Cafétérias, collations, services sur plateau, cafés, traiteurs… Les services alimentaires institutionnels servent chaque jour des milliers d’aliments. Toutefois, l’offre d’aliments sur le marché n’est pas toujours adaptée à la réalité et aux exigences des institutions.
Pour aider les entreprises à répondre à leurs besoins particuliers, plusieurs institutions se tournent vers la co-création.
La co-création, c’est une démarche qui permet à une institution et à une entreprise alimentaire de collaborer pour développer ensemble un produit. Une co-création réussie a un double avantage : l’institution obtient un produit sur mesure, et l’entreprise taille sa place dans le marché institutionnel.
Toutefois, le plus grand bénéfice de la co-création, c’est que la clientèle de l’institution a accès à des produits de qualités et adaptés à ses besoins.
Ce petit portrait de la co-création vise à démystifier cette pratique et à donner des pistes d’action aux entreprises et aux institutions, pour qu’elles réussissent leurs démarches de co-création.
Les besoins spécifiques des milieux institutionnels
Les réalités des milieux institutionnels restent parfois obscures pour les petites entreprises de production alimentaire. Les exigences et les processus administratifs qui encadrent les processus d’approvisionnement peuvent sembler être lourds.
En effet, les milieux institutionnels ont de nombreuses réglementations en place quant aux aliments qu’ils servent à leur clientèle : évaluation de la valeur nutritive, la texture des aliments, les allergènes etc.
D’autres démarches de co-création ne touchent pas à la composition du produit, mais à son format ou à son emballage. Certaines institutions demandent des produits emballés individuellement pour faciliter la distribution, alors que d’autres souhaitent réduire les emballages et acheter en plus gros format.
Ces exigences peuvent aussi changer selon le type de produits, ou même au sein d’une même institution : les besoins pour, par exemple, le service de plateau dans un CHSLD ne seront pas les mêmes que pour les produits vendus à la cafétéria.
Ingrédients de réussite : production alimentaire
- Profiter des événements de réseautage pour communiquer avec les responsables d’approvisionnement institutionnel pour bien comprendre leurs besoins
- Se familiariser avec les processus d’approvisionnement institutionnel
- Faire preuve de flexibilité et de patience. Le processus peut être long!
- Bien évaluer ses capacités de production
- S’allier avec d’autres producteurs(-trices) dans les livraisons de produits pour les plus petites institutions
Ingrédients de réussite : institution
- Garder en tête la clientèle en bout de ligne. C’est elle qui bénéficiera de la co-création
- Identifier clairement les caractéristiques du produit manquant (protéines, texture, format, etc.)
- Quantifier et comptabiliser la demande des produits à l’intérieur d’un menu cyclique
- Inciter son distributeur actuel à proposer les produits co-créés
- S’allier avec d’autres institutions pour augmenter son pouvoir d’achat
Les avantages de la co-création pour une entreprise
Bien que la co-création soit un processus qui demande du temps et de la flexibilité, la démarche a de nombreux avantages pour les entreprises :
- Permet de connaître les besoins spécifiques d’une institution, et de créer un produit sur mesure qui se différencie de la concurrence
- Permet à une entreprise de planifier sa production plusieurs mois à l’avance puisque les contrats institutionnels représentent habituellement de grands volumes, ainsi qu’une demande stable et cyclique
- Les aliments co-créés peuvent mener à d’autres contrats avec d’autres institutions.
Par exemple, Jean-Marc Riverin avait co-créé un dessert laitier protéiné avec la compagnie Nutrinor. Après son implantation dans le CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, d’autres centres hospitaliers de la région ont demandé à se procurer ce produit, ce qui a permis à Nutrinor d’augmenter sa production.
Par où commencer pour co-créer des produits alimentaires?
Le Centre Humami, une filière de Cintech, accompagne depuis 2 ans des cohortes d’entreprises alimentaires pour les aider à adapter leurs produits aux réalités institutionnelles. Selon eux, tout commence par l’identification des besoins des personnes impliquées.
Avant d’entrer dans une démarche de co-création, une institution doit commencer par identifier un produit qui lui manque ou qu’elle aimerait modifier. Il faut aussi qu’elle identifie les formats, les quantités, les textures, les valeurs nutritives, etc. que son produit idéal aurait.
Pour identifier ces besoins, une bonne communication entre tous les niveaux à l’interne est essentielle. Souvent ce sont des personnes sur le terrain qui proposent des améliorations. Par exemple, si une cuisinière se dit : « si on avait de plus petits formats pour ces fruits en conserve, on en gaspillerait moins! », ce commentaire doit pouvoir se rendre aux responsables des achats, pour faire changer les choses.
Finalement, l’institution doit identifier la quantité et la fréquence qu’elle désire commander l’aliment. Avoir une demande stable et cyclique est un avantage intéressant pour l’élaboration d’un contrat avec l’entreprise et le distributeur.
L’entreprise, de son côté, doit connaître ses capacités de production, de stockage et de livraison. Il faut aussi qu’elle soit prête à modifier ses produits et ses pratiques, tout en assurant la rentabilité de ses activités.
Une fois les besoins identifiés, ce n’est pas sorcier : il faut se parler!
Communiquer, communiquer, communiquer!
Selon le centre Humami, il existe autant de démarche de co-création qu’il existe d’entreprises et d’institutions. La clé, dans toutes ces démarches : la communication!
Jean-Marc Riverin du CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, est un grand adepte de la co-création. Il a développé de nombreux produits en collaboration avec des entreprises québécoises. Pour lui, le réseautage joue un rôle très important dans la démarche. Il conseille de fréquenter des salons agroalimentaires ou des événements de réseautage pour aller à la rencontre des entreprises. Certaines organisations, comme le CIBÎM, organisent parfois des rencontres de jumelage entre des clients institutionnels et des producteurs agroalimentaires.
Les communautés de pratique Commun’assiette travaillent aussi à identifier les produits manquants sur le marché. Elles rassemblent des institutions, des distributeurs et des membres du système alimentaire québécois. À travers des échanges, des travaux en comités et des rencontres de réseautage, Commun’assiette permet d’identifier les opportunités de co-création et de collaboration entre différents acteurs et actrices de l’écosystème alimentaire.
La distribution… plus importante qu’on ne le croit!
Même si un aliment est parfait pour une institution, il faut qu’il puisse y être livré! Souvent, les institutions demandent à leurs fournisseurs d’intégrer les produits co-créés à leurs inventaires, pour faciliter les démarches d’approvisionnement.
Pour les plus petites institutions (garderies, etc.), c’est possible de faire affaire avec des hubs de livraison, ou de combiner la livraison avec d’autres producteurs locaux.
La co-création se déploie souvent autour de ce qui existe déjà. Ce dessert pourrait-il être modifié pour être moins sucré? Pourriez-vous produire des tortillas plus grandes? Offrez-vous ce tofu en plus grand format?
Une fois qu’un lien est créé et qu’une démarche de co-création est entamée, plusieurs phases de tests et d’aller-retours peuvent avoir lieu. Valeur nutritive, texture, test de goût, format… L’institution et l’entreprise doivent toutes les deux faire preuve d’ouverture et de flexibilité pour assurer le succès de la démarche.
Selon Monsieur Riverin, il faut toujours garder en tête la clientèle qui consommera le produit. Même si un aliment répond à tous les critères nutritionnels, mais qu’il n’est pas apprécié de la clientèle, ce n’est pas acceptable!
La co-création réussit-elle à tous les coups?
Bien qu’elle puisse mener à des réussites, le processus de co-création n’est pas garante de l’obtention d’un contrat avec l’institution.
Parfois, les capacités de production de l’entreprise ne correspondent pas aux besoins de l’institution. D’autres fois, c’est l’institution qui n’a pas les ressources à l’interne pour passer à travers le processus.
Il arrive aussi qu’il y ait des délais avant l’implantation de l’aliment dans les menus. Plusieurs institutions opèrent avec des menus cycliques, qu’on ne peut pas changer du jour au lendemain.
Finalement, il arrive que la co-création diverge : c’est peut-être un tout autre produit que celui envisagé au début qui aboutira dans un nouveau milieu, avec une clientèle totalement différente!