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Les « nudges », pour des comportements alimentaires durables en institution

Lorsqu’on est un service alimentaire, comment encourager sa communauté à adopter des comportements plus durables? Découvrez la technique du « coup de coude », ou les « nudges », pour inciter des choix plus sains, locaux et écoresponsables.

Le nudging : encourager subtilement de meilleurs comportements

Le nudging (coup de coude) est une approche utilisée en santé publique pour encourager le public à adopter des comportements plus sains. Un nudge consiste à créer un environnement où les personnes seront incitées, parfois sans même qu’elles ne s’en aperçoivent, à prendre des décisions pour leur propre bien.

Contrairement à d’autres approches, le nudging n’utilise ni des punitions (comme des amendes ou des taxes), ni des récompenses (comme des incitations financières), et, surtout, n’entrave pas le libre choix des personnes. Le nudging utilise des outils plus subtils, comme la loi du moindre effort ou l’appel à la norme sociale pour encourager les bons comportements.

Par exemple, au Québec, une personne employée contribue par défaut aux REER. C’est possible de s’en désinscrire, mais la plupart des personnes ne font pas l’effort de le faire. En mettant une option « par défaut », sans l’imposer, on encourage une action considérée comme positive.

On peut aussi informer les personnes que leurs pairs font une action désirée, pour faire un appel à la norme. Par exemple, en indiquant le nombre de bouteilles d’eau jetables qui ont été évitées grâce à une installation qui permet de remplir sa bouteille réutilisable, on incite la communauté à apporter sa propre bouteille réutilisable.

Exemple de l’expérience de nudging au Royaume-Uni pour inciter la population à jeter ses mégots de cigarette dans la boîte à vote plutôt que par terre. 

Prenons l’exemple de ce cabaret sur lequel on peut lire un message qui nous informe que la majorité de la clientèle laisse sa table propre en partant. Implicitement, il est écrit que si vous ne le faites pas, vous faites partie des 10 % de la clientèle impolie…

Les institutions et l’alimentation durable : pourquoi utiliser les nudges?

Les écoles, universités, hôpitaux, CPE et autres institutions servent des milliers de repas chaque jour. Plusieurs de ces institutions ont aussi un devoir d’exemplarité envers leur communauté. C’est pourquoi plusieurs institutions se sont dotées de politiques de saine alimentation et de développement durable.

Toutefois, même si elles souhaitent rendre leurs services alimentaires plus durables, les institutions se heurtent à de nombreux obstacles : restrictions budgétaires, manque de personnel, préférences de la clientèle, etc.

Les nudges sont une technique qui permet d’inciter de façon passive les utilisateurs et utilisatrices du service alimentaire à faire des choix plus durables. Les nudges sont aussi souvent mieux perçus que des approches plus frontales ou paternalistes. Certains sont aussi assez faciles à implanter, avec peu de ressources.

L’alimentation durable a trois piliers principaux : l’alimentation saine, l’approvisionnement local et les pratiques écoresponsables.

Des nudges pour une alimentation plus saine

L’alimentation saine est le premier pilier d’une alimentation durable. Selon la vision de la saine alimentation du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, une alimentation saine est constituée d’une diversité d’aliments qui sont en priorité de valeur nutritive élevée.

Les nudges peuvent être utilisés à la fois pour encourager à choisir ces aliments nutritifs et pour diminuer la consommation d’aliments peu nutritifs.

On peut aussi se baser sur les principes directeurs du Guide alimentaire canadien (GAC), et encourager les usagères et usagers à consommer des repas qui ressemblent à l’assiette type (moitié fruits et légumes, ¼ grains entiers et ¼ de protéines principalement végétales).

Voici des exemples de nudges à mettre en place pour encourager l’alimentation saine au sein d’une institution.

1. Proposer des aliments nutritifs par défaut

Proposez des repas qui contiennent le plus d’aliments nutritifs par défaut. Ainsi, les gens qui souhaitent quand même s’alimenter autrement pourront changer s’ils le désirent. Par exemple, si un hamburger vient avec des frites ou une salade, proposez la salade par défaut.

2. Réorganiser l’espace

Placez les aliments les plus nutritifs aux endroits les plus accessibles : à l’avant, proche des caisses, etc. Placez les aliments moins nutritifs dans des endroits plus reculés, ou plus difficiles à atteindre.

3. Partager la nouvelle norme du Guide alimentaire canadien

Selon le GAC, l’assiette idéale devrait être composée à moitié de fruits et de légumes, ¼ de grains entiers et ¼ de protéines. En affichant cette assiette dans les concessions alimentaires et en encourageant les gens à s’inspirer du GAC, on les encourage à suivre la norme.

4. Faciliter la consommation d’eau

Installez dans l’institution des fontaines d’eau clairement identifiées et adaptées au remplissage de bouteilles d’eau, pour encourager une saine hydratation.

La campagne de Marketing social J’ai soif de Santé a de nombreux outils pour encourager la consommation d’eau https://soifdesante.ca/fr/a-propos.

5. Une description plus alléchante

Parfois, simplement retravailler l’appellation ou la description de repas nutritifs peut les rendre plus attrayantes, et inciter davantage à les choisir. Au lieu de parler de « salade tiède au poulet »,  on peut parler de « Mélange de légumes printaniers avec poitrine de poulet grillée au citron » , plus attrayant.

Pour plus d’exemple, consultez la section alimentation saine du portail web Commun’assiette.

Des nudges pour une alimentation plus locale

Manger local, c’est gagnant pour tout le monde! L’approvisionnement local institutionnel est encouragé par la Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois (SNAAQ), et de nombreuses institutions effectuent un travail en profondeur pour favoriser les aliments locaux.

Même si ces efforts se font habituellement en amont de la clientèle, on peut quand même inciter cette dernière à consommer plus localement grâce à des nudges.

1. Identifier les aliments québécois

Aliments du Québec offre plusieurs certifications et de nombreux outils pour sensibiliser la population à la provenance des aliments. On retrouve sur leur site de nombreux outils comme des affichettes et des idées pour promouvoir l’alimentation locale.

2. Souligner les plats locaux servis aux patient(e)s

Dans les cas où les menus sont imposés à la patientèle, indiquez dans les cabarets lorsque les menus servis sont certifiés Aliments du Québec, ou la provenance de certains aliments (viande locale, produits maraîchers de la région, etc.).

3. Réorganiser l’espace

En plus d’indiquer la provenance des aliments, placez ceux-ci à des endroits stratégiques pour encourager les personnes à saisir ces aliments en priorité.

4. Afficher les résultats de la quantification des achats locaux

La quantification vous permet de déterminer le pourcentage d’achat d’aliments locaux au sein de votre service alimentaire ou de votre institution. En affichant ces chiffres, vous faites rayonner vos efforts et et vous inciter la communauté à faire des choix plus locaux afin de vous aider à maintenir ce pourcentage ou même à l’augmenter.

Des nudges pour des pratiques plus écoresponsables

Le troisième pilier de l’alimentation durable est celui de l’écoresponsabilité. En modifiant ses pratiques, on peut réduire l’impact environnemental de ses services alimentaires.

1. Afficher l’empreinte carbone des repas

L’école Polytechnique affiche chaque jour l’empreinte carbone des différents repas servis le jour-même. Cela permet d’orienter le choix de sa clientèle, en rendant cette information accessible.

2. Proposer un repas végétarien ou à faible empreinte carbone par défaut

Sans enlever le choix de prendre un repas carné, on peut simplement proposer un repas végétarien ou à faible empreinte carbone comme menu « par défaut ». Ce faisant, on présente cette option comme étant « la norme », ce qui incite les personnes à opter pour le statu quo et ne rien changer.

3. Instaurer une saine compétition pour la réduction de gaspillage alimentaire

Pour réduire le gaspillage alimentaire, le CIUSSS Centre-Sud a joué sur l’appel à la norme sociale en comparant, à l’aide d’un tableau, les résultats du gaspillage alimentaire produit dans chacune de ses installations. Ainsi, les différentes équipes ont commencé à faire plus attention à leurs pratiques, pour aider leur installation à améliorer ce résultat.

4. Éviter de donner automatiquement des pailles en plastiques ou des ustensiles superflus et jetables

Lorsque possible, offrez des ustensiles lavables. Si ce n’est pas possible, encouragez la clientèle récurrente à se procurer une trousse d’ustensiles réutilisables. Évitez de donner automatiquement des pailles ou des serviettes en papier, et placez-les en retrait, pour créer de la friction dans leur obtention. 

5 trucs pour bien intégrer les nudges dans son organisation pour un meilleur succès

  1. Se renseigner sur les déterminants de la santé pour bien se renseigner sur les actions à privilégier, et pour ne pas exacerber les inégalités sociales. Par exemple, un nudge trop moralisateur sur l’alimentation saine pourrait avoir des effets négatifs sur une clientèle qui souffre de troubles alimentaires. 
  2. Impliquer la communauté dans l’élaboration de la démarche, des objectifs jusqu’aux méthodes choisies. Par exemple, constituer un comité de patient(e)s;
  3. Définir clairement les objectifs derrière les nudges choisis;
  4. Avant la mise en place officielle, tester les nudges dans un projet-pilote, dans un seul endroit;
  5. Après la mise en œuvre du nudge, évaluez ses effets selon les objectifs définis. Ajuster et déployer à plus grande échelle le nudge.