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[Portrait] Amina Baba-Khelil : cultiver les précieux trésors de notre terre

C’est dans le but de générer un mouvement pour une alimentation saine, locale et écoresponsable dans les institutions du Québec qu’Équiterre a lancé le projet Commun’assiette. L’Union des producteurs agricoles (UPA) est fière d’y participer activement. Rencontre avec sa représentante, Amina Baba-Khelil.

Pour se rendre à son bureau, Amina Baba-Khelil traverse le grand hall de l’UPA, décoré en l’honneur du centième anniversaire de l’organisation. Quand elle nous parle de ce siècle de labeur pour soutenir les producteurs du Québec, on sent à quel point son lien d’appartenance est fort.

« Je suis ici depuis 2003. Ça représente 20 % de l’histoire de l’UPA », calcule-t-elle, les yeux brillants.

Celle qui occupe le poste de coordonnatrice de la mise en marché rappelle que dès qu’il vient au monde, un nouveau-né doit se nourrir :

« Le premier besoin d’un être humain, c’est de manger. Et si nous ne prenons pas conscience du fait que nous sommes ce que nous ingérons, il y a un problème. C’est important de rappeler aux consommateurs ce lien puissant. »   

Amina Baba-Khelil croit fermement que même si des tensions subsistent entre le désir d’adopter une alimentation locale et les contraintes budgétaires, il ne faut surtout pas négliger l’importance d’éduquer les gens quant à la provenance et à la qualité des aliments.

C’est, pour elle, le gage d’une société en santé.

Une fierté partagée

Les producteurs agricoles sont des gens de cœur : « Il y a une fierté immense chez les agriculteurs, qui travaillent fort, de génération en génération, pour garder leur terre. C’est précieux, ce qu’elle nous donne. Quand ils prennent la parole dans un de nos événements et qu’ils ont la larme à l’œil en parlant de leurs difficultés, on sait que ça vient de leurs tripes. »

Amina Baba-Khelil accorde une grande importance aux contacts humains. C’est de ce lien privilégié, de cette confiance que lui accordent les producteurs, qu’elle est le plus fière. Elle en parle d’une voix douce, citant ces fois où elle s’est assise dans leur cuisine pour discuter de manière très franche et sans filtre des enjeux qui plombent une partie de la production agricole au Québec. « On le sait, il y a certains produits pour lesquels le Québec ne sera jamais concurrentiel par rapport aux produits étrangers », admet-elle.

Mais cela n’empêche pas de tout mettre en œuvre pour mettre sur pied des projets structurants qui permettront de poursuivre la démarche vers une alimentation durable. C’est là que Commun’assiette entre en scène.

Créer des ponts pour mieux communiquer

Amina Baba-Khelil voit dans le projet d’Équiterre une occasion de créer des ponts, dans le milieu institutionnel, entre l’offre et la demande. « Mon passage en Europe m’a permis de constater le retard qu’on a ici. Là-bas, on dit depuis longtemps que les institutions publiques doivent donner l’exemple et offrir des produits locaux », explique la gestionnaire dont le parcours en agroéconomie l’a menée de l’Algérie à la France, puis au Québec.

Le maillage que permet notamment le projet d’Équiterre a des effets très concrets qui aident à rattraper ce retard, à la fois pour les producteurs et pour les institutions :

« Lors d’une rencontre avec les autres membres de Commun’assiette, une personne travaillant dans un Centre de la petite enfance m’a expliqué qu’elle aimerait bien avoir des framboises du Québec, mais qu’elle ne savait pas où s’approvisionner. Tout de suite, je lui ai dit : On va se parler, on va trouver un producteur. Ce contact qu’on a eu, elle et moi, a marqué le début de quelque chose. Commun’assiette a véritablement le potentiel de rendre l’alimentation saine, locale et durable plus accessible. »

D’ailleurs, tout au long de l’entrevue, l’expression « on va se parler » revient souvent dans le discours d’Amina Baba-Khelil. La communication joue un rôle crucial dans le succès d’une initiative au pouvoir fédérateur comme Commun’assiette. « La communication, c’est aussi une question de concertation. Aujourd’hui, on ne peut plus juste produire, déposer son produit quelque part et espérer le vendre. Il y a toute une chaîne : quelqu’un qui produit, quelqu’un qui transforme, quelqu’un qui distribue, et [tout ça finit par se rendre] jusqu’aux institutions. Les maillons sont imbriqués les uns dans les autres. » 

L’espace de discussion créé par Commun’assiette vient donc faciliter les échanges et la coordination entre chacun des maillons qui, à leur façon, ajoutent de la valeur aux produits d’ici. Mais pour préserver cette valeur, il faut retrouver un certain équilibre entre les exigences environnementales et la rentabilité, une certaine compétitivité avec les importations, croit la coordonnatrice. « C’est un écosystème qu’on est en train de bâtir, et pour qu’il se tienne, il faut qu’une relation de confiance se crée entre les différents intervenants. Il faut que tous puissent se parler, des producteurs aux institutions et des institutions aux producteurs. Ce sont des discussions qui nous permettront de répondre aux exigences sociétales qu’on se donne. »

L’UPA, qui jouit d’un certain pouvoir d’influence auprès des gouvernements, permet notamment aux denrées des plus petits producteurs de trouver leur place dans les assiettes. Et Amina Baba-Khelil apporte l’expertise du syndicat agricole à la table de discussion de Commun’assiette : « Concrètement, on peut mutualiser l’offre de plusieurs producteurs d’un même aliment pour qu’ils soient plus compétitifs. On peut aussi travailler avec le gouvernement pour revoir certains aspects de la réglementation sur l’approvisionnement à laquelle les institutions sont assujetties. Et à plus petite échelle, on peut mettre en relation des producteurs et des institutions. Surtout, on travaille ensemble. Le projet Commun’assiette, pour moi, est plus grand que nature : c’est un pas de plus vers le projet de société qu’est l’autonomie alimentaire. » 

Le premier besoin d’un être humain, c’est de manger. Et si nous ne prenons pas conscience du fait que nous sommes ce que nous ingérons, il y a un problème. C’est important de rappeler aux consommateurs ce lien puissant.

Amina Baba-Khelil

Coordonnatrice de la mise en marché, Union des producteurs agricoles (UPA)