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[Portrait] Ariane Battavoine : rendre l’alimentation saine et locale accessible à tous

Avoir accès à des aliments est une chose; avoir accès à des aliments nutritifs et locaux en est une autre. C’est ce que cherche à rendre possible la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve (CCHM). Cette entreprise d’économie sociale hyperactive, qui est à la fois une cuisine collective, un service traiteur et une ferme agricole urbaine, vient tout juste de se joindre à Commun’assiette. Fière de faire maintenant partie de cette communauté qui, comme elle, veut mettre l’épaule à la roue pour contribuer à poser les fondements d’une alimentation durable, elle ne manque pas de projets porteurs.

Derrière les grandes fenêtres de ses locaux, tabliers noués autour des hanches, une quinzaine d’apprentis cuisiniers s’affairent aux comptoirs. Certains divisent le tempeh parfaitement grillé en petites portions, d’autres décorent des plateaux de desserts avec des petits fruits. 

À d’autres moments, ce sont des résidents du quartier qui s’activent dans la grande cuisine. Car depuis sa création en 1986, la vocation fondamentale de cette cuisine collective est de soutenir des familles et des résidents plus vulnérables d’Hochelaga-Maisonneuve au moyen d’ateliers durant lesquels ils concoctent des plats économiques et nutritifs qu’ils ramènent ensuite à la maison. CCHM est également un organisme traiteur membre de La Cantine pour tous, qui regroupe plus de 80 organismes communautaires, des entreprises d’insertion et d’économie sociale spécialisées dans la préparation de repas qui facilitent l’accès à de la nourriture saine et abordable pour promouvoir la sécurité alimentaire au Québec.

« Notre premier mandat, c’est de nourrir la population, explique Ariane Battavoine, directrice adjointe de l’entreprise d’économie sociale, en nous faisant visiter leur quartier général sur la rue Adam, à Montréal. Plus précisément, on veut que la population ait accès à une alimentation saine et locale. » 

Venant du milieu de la restauration classique, Ariane Battavoine s’est jointe à l’équipe de la CCHM il y a sept ans. Et comme tous ceux qu’on y croise, c’est la passion et le désir de faire une différence dans la communauté qui la motivent.

« Ça s’améliore un peu avec le temps, mais Hochelaga-Maisonneuve reste un désert alimentaire », rappelle-t-elle. En effet, selon des données de la Ville de Montréal qui datent de 2022, 40 % de la zone résidentielle de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve est encore un désert alimentaire, soit un « secteur économiquement défavorisé et caractérisé par un faible accès à des commerces offrant des aliments de haute valeur nutritive ».

Là où tout se crée

À la CCHM, la circularité des activités est tangible, et c’est vers la grande cuisine lumineuse que tout converge. Bon an mal an, l’organisme accompagne un peu plus de 40 personnes dans divers parcours de formation qui leur permettront de devenir aides-cuisiniers, magasiniers, horticulteurs, ou encore de travailler dans le domaine du service à la clientèle. En plus de leur offrir une formation de six mois très concrète, l’équipe d’intervenants continue de les accompagner par la suite.

« On leur apprend les bases de chaque métier, mais c’est un fil conducteur pour les amener vers le marché du travail », explique Ariane Battavoine. 

Autant ces participants aux formations que les individus qui prennent part aux cuisines collectives de l’organisme sont sensibilisés à l’importance d’une saine alimentation.

« Les cuisines collectives aident à limiter le gaspillage alimentaire et à valoriser les aliments locaux pour créer des plats délicieux et nutritifs, précise le CCHM dans son rapport annuel 2024. Elles représentent une alternative accessible aux produits transformés et industriels, souvent moins bons pour la santé. »

Et ici, rien ne se perd, tout se crée ! Ce qui est cuisiné par les participants aux formations est ensuite vendu en menus complets de service traiteur, ou encore en repas congelés individuels et familiaux qu’on peut acheter en ligne, comme un bœuf bourguignon, un chili végétarien, une lasagne ou encore un filet d’aiglefin, carottes et orge.

« On permet ainsi à la communauté d’avoir accès à des mets préparés avec des produits sains et le plus locaux possible », souligne fièrement la cinquantenaire. 

Une ferme agricole urbaine, pour des produits locaux plus accessibles

La CCHM a aussi mis sur pied une ferme agricole urbaine qui permet à sa clientèle de se procurer des aliments sains. 

C’est sur le toit de la cuisine collective que la culture en bacs a débuté. Puis, grâce au soutien d’entreprises du quartier (la SAQ, Scientific Games et Bimbo Canada) qui prêtent des espaces à la CCHM, l’organisme dispose maintenant de 130 000 pi2 de surface cultivée, dont une partie se trouve dans une nouvelle serre quatre saisons et carboneutre. En 2020, on y produisait déjà une tonne de légumes, et aujourd’hui, on en produit plusieurs tonnes qui sont soit cuisinées au sein même de l’organisme, soit distribuées à d’autres organismes. 

« Notre ferme agricole donne donc accès à des aliments presque biologiques à une clientèle plus démunie. »

Dans les prochaines années, l’organisme veut encore augmenter sa production à la ferme. C’est pour ce volet d’activités que la directrice adjointe trouve particulièrement intéressant de faire partie de la communauté de pratique Commun’assiette, à laquelle elle s’est jointe cet été. « Il faudra qu’on utilise et distribue bien notre production », prévoit-elle. Parmi les autres membres de Commun’assiette, elle espère trouver de futurs partenaires à qui la CCHM pourrait par exemple fournir des aliments frais et locaux.

« La mise en réseau que permet Commun’assiette est géniale pour nous sur ce plan-là. Ça nous permet aussi de voir ce que font d’autres personnes de leur côté, de connaître leurs idées et leurs besoins et de voir comment on peut s’entraider. »

Un nouveau magasin général à tarification sociale

La CCHM inaugurera aussi en novembre prochain un magasin général à tarification sociale.

« Ce magasin sera ouvert à tout le monde, et chacun paiera ses achats en fonction de ses capacités financières », explique Ariane Battavoine, visiblement enthousiaste, en faisant visiter les futurs locaux de l’établissement, au coin des rues Joliette et Adam. 

« Il y aura un petit dépanneur à l’avant, où on pourra acheter entre autres des cafés, des sandwichs, des salades et des plats congelés pour emporter. En bas, ce sera la section épicerie. On y trouvera des plats cuisinés ici même par nos participants, des îlots de légumes provenant de nos jardins et des denrées sèches. »

Avec ce projet, l’organisme souhaite élargir encore l’accès des gens du quartier à des aliments locaux et nutritifs, tout en rendant leur achat financièrement viable pour tous. La CCHM espère que son magasin général sera un modèle qui en inspirera d’autres. « En partageant ce qu’on fait avec les institutions et les entreprises membres de Commun’assiette, on se rend compte qu’on en fait tous beaucoup, qu’on a tous nos réalités et nos défis, mais que finalement, on œuvre tous dans le même sens », conclut Ariane Battavoine.

Notre premier mandat, c’est de nourrir la population. Plus précisément, on veut que la population ait accès à une alimentation saine et locale.

Ariane Battavoine

Directrice adjointe, Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve