Dans son bureau baigné d’une belle lumière naturelle, Christine Morency parle avec enthousiasme de sa fierté de participer à Commun’assiette. Issue du milieu communautaire et occupant aujourd’hui un poste clé en distribution et transformation alimentaire chez JG Fruits et Légumes, elle se sent comme un poisson dans l’eau avec le projet d’Équiterre.
« Tables de concertation », « meilleures pratiques », « regroupements actifs », « liens avec la communauté » : c’est un langage que connaît bien Christine Morency. Cette trentenaire porte en elle le désir profond de changer les choses. Elle confie : « La structure même du projet Commun’assiette fait vibrer une corde sensible chez moi. »
Elle reconnaît que parfois, les communications peuvent être difficiles entre les divers intervenants du milieu agroalimentaire; et ce qui complique encore les choses, c’est que les occasions de discuter sont rares : « On se parle à travers des documents, des rapports et des plans stratégiques, souvent de façon impersonnelle. Commun’assiette permet de s’asseoir ensemble, de discuter d’humain à humain. C’est ce que je faisais quand je travaillais dans le milieu communautaire et c’est ce qui, je trouve, peut faire toute la différence pour une industrie comme la nôtre. »
Des légumes montérégiens dans l’assiette des patients
Installée à Chambly, l’entreprise de distribution JG Fruits et Légumes a été fondée par deux frères qui, dans les années 1980, achetaient les surplus des producteurs locaux pour les revendre à des établissements de la région. JG Fruits et Légumes compte maintenant sur l’expertise et l’implication de plus de 200 employés. Même si la compagnie a été rachetée par Gordon Food Services, un géant américain de la distribution alimentaire, cela n’a rien changé à l’importance que les fondateurs accordent au fait de soutenir les producteurs locaux.
Les légumes d’un maraîcher de la Montérégie qui se retrouvent dans l’assiette d’un patient d’un centre hospitalier universitaire, ça aurait été impensable il n’y a pas si longtemps. C’est notamment la collaboration mise en place grâce à Commun’assiette qui permet d’en arriver là. « Longtemps, notre travail s’est résumé à envoyer des listes de prix et à répondre à des demandes pour des produits déjà sélectionnés. Ce n’était pas possible de suggérer quelque chose, un produit différent ou une version locale d’un aliment. Heureusement, aujourd’hui, on est capables d’avoir ce genre de discussion avec nos clients », explique Christine Morency avec un sourire satisfait.
En mode solutions
L’adjointe au directeur général de JG Fruits et Légumes brosse un portrait lucide de l’approvisionnement à grande échelle, sans donner l’impression d’être pessimiste. Au contraire, l’enthousiasme avec lequel elle répond aux questions laisse croire que des solutions existent et qu’il est possible de faire rayonner davantage les produits d’ici.
« La réalité, c’est que les établissements ont trop souvent les mains liées, explique-t-elle. Ce n’est pas la faute du chef ni d’un gestionnaire. Il y a un aspect légal à tout ça. Puisqu’on est tenus, dans les institutions publiques, de procéder aux achats par appel d’offres et de choisir le prix le plus bas, il faut accepter que les produits du Québec ne soient pas sélectionnés, même s’ils sont de meilleure qualité, même s’ils sont plus mûrs et plus savoureux. »
En effet, dollar pour dollar, il est difficile de se mesurer à un fruit ou à un légume cultivé au Mexique ou aux États-Unis, dans un climat qui permet trois ou quatre récoltes par année. « On peut faire mieux, et il y a de belles histoires de succès, assure Christine Morency. Des hôpitaux qui sont capables d’adapter leurs menus à la saisonnalité des produits ou qui ont créé des liens avec des petits producteurs de leur région, ça existe. Mais ils ont besoin de plus de flexibilité. »
« [En attendant plus de flexibilité], Commun’assiette facilite le maillage entre les petits producteurs et les grandes organisations, en plus de favoriser les discussions directes entre les producteurs, les distributeurs et les acheteurs. Ça fait déjà une grande différence. »
L’approche humaine et ouverte que propose Commun’assiette en rassemblant des gens aux valeurs similaires malgré leurs réalités très différentes est cruciale si on veut faire évoluer les pratiques. « Ce n’est pas seulement avec des lois, des chiffres et des tableaux qu’on arrive à modifier une façon de penser, une culture, une éthique de travail. On y parvient en s’assoyant ensemble », croit Christine Morency, une femme passionnée par ce que l’agriculture du Québec a à offrir et dont la feuille de route témoigne de son désir de faire changer les choses.
Un effort collectif
Selon Christine Morency, il faut poursuivre les efforts pour améliorer la traçabilité des produits, mieux informer la population des conséquences des choix que font les institutions d’ici en matière d’achat d’aliments et valoriser la diversité des produits locaux disponibles. En poursuivant le dialogue avec les producteurs et les établissements, l’entreprise reste fidèle à sa volonté de mettre en valeur les fruits et légumes du Québec.
« Ce n’est pas seulement avec des lois, des chiffres et des tableaux qu’on arrive à modifier une façon de penser, une culture, une éthique de travail. On y parvient en s’assoyant ensemble »