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Qui sème récolte : l’histoire d’un café mexicano-lanaudois

Quand Nathalie et son conjoint ont acheté leur ferme dans Lanaudière, c’était d’abord pour y faire pousser des pommes, pas du café. Passionné(e)s par l’agriculture, ils y ont planté un verger rassemblant 53 variétés, allant des pommes ancestrales aux plus classiques, avec l’idée d’y produire du cidre. Mais parfois, des rencontres changent la trajectoire que l’on avait imaginée.

De Lanaudière à l’État de Veracruz

En juin 2023, le couple accueille pour la première fois un travailleur agricole étranger : Luis Lopez Rivera, un producteur de café mexicain, venu prêter main-forte à la saison des récoltes. Sans collègues hispanophones sur place, Luis est logé chez le couple, partage leurs repas, et apprend à connaître leur quotidien québécois… un quotidien auquel il s’intègre rapidement. Les échanges débutent en gestes, se poursuivent en espagnol et en français, et finissent par tisser un lien d’amitié inattendu.

Luis vient d’une famille productrice de café depuis trois générations. Chez lui, dans l’État de Veracruz, au Mexique, la récolte se fait entre novembre et mars, souvent à la main et dans la chaleur. À la fin de son séjour de travail au Québec, il invite Nathalie et son conjoint à venir découvrir son village. Quelques mois plus tard, ils sont sur place, au cœur des montagnes, accueillis par la famille de Luis, dont les douze frères et sœurs cultivent tous leur lot de caféiers.

Ils découvrent la complexité de la production : la cueillette quotidienne, le beneficio – étape à laquelle on transforme les cerises de café -, la lenteur du séchage, la rigueur de la classification par taille… Mais ils découvrent surtout une culture agricole profondément ancrée, traversée de défis climatiques, économiques et logistiques. Un kilo de café se vend 7 pesos sur place (environ 0,50$) alors qu’il peut valoir jusqu’à 50$ une fois rendu ici.

Ingrédients de réussite

  • Une relation de confiance et de respect mutuel qui dépasse la hiérarchie traditionnelle, pour favoriser l’engagement et la collaboration sincère
  • Un partage réciproque de compétences et de connaissances pour un apprentissage en continu et pour l’innovation
  • Une production équitable, avec une juste répartition des revenus

Pour Luis, ce partenariat est aussi une façon de prendre confiance, de sentir que son travail est reconnu et valorisé. Ici, il découvre une autre façon de faire : des horaires plus souples, une meilleure reconnaissance de son expertise, des décisions partagées. Là-bas, ce projet lui permet d’assurer des revenus plus stables pour sa famille, de mieux gérer les incertitudes notamment liées aux changements climatiques, et de maintenir le lien avec sa terre, même à distance.

Le café Speedy Gonzalez issu de cette collaboration a du caractère, une histoire, et une double origine. Les clients du verger s’y intéressent, veulent connaître Luis, poser des questions, goûter à ce pont entre deux fermes, deux familles, deux visions de l’agriculture.

Semer, récolter… et redistribuer

De retour au Québec, l’idée germe : pourquoi ne pas créer un café à deux noms? Celui de Luis, et celui du verger. Avec son accord, ils importent leur premier lot par bateau, investissent dans un mini-torréfacteur et lancent un café unique : cultivé au Mexique, torréfié à la ferme, puis vendu en boutique et en circuit court.

Ce n’est pas qu’une histoire de commerce, c’est avant tout une histoire de confiance.

Chaque mois, les ventes sont suivies et les revenus partagés à parts égales. Luis ne travaille plus pour eux, mais avec eux. Son savoir-faire les guide dans la sélection des grains et la torréfaction. Il est fier de faire goûter le café de sa famille aux gens d’ici, qui le saluent maintenant par son prénom, reconnaissants de ce qu’il apporte à la table.

« Au début, il appelait mon mari patron, raconte Nathalie. On ne voulait pas de ça. Il nous appelle maintenant par nos prénoms. Il n’y a plus de hiérarchie. On apprend ensemble. »

Le café Speedy Gonzalez, c’est un peu le reflet de ce qu’on a vécu avec Luis : un apprentissage dans les deux sens, du respect, et l’envie de créer quelque chose ensemble, à partir de nos réalités.

Nathalie Rainville

Co-propriétaire, Verger-cidrerie « Qui sème récolte »

Aujourd’hui, Qui sème récolte propose ce café dans sa boutique à la ferme, en grain, moulu ou prêt à boire. Et même si le rythme est artisanal (deux kilos à la fois) chaque lot est le fruit d’une filière humaine, construite à échelle humaine.